Modérer le Minimalisme
Le minimalisme (ou simplicité volontaire) est un mouvement qui prend ses sources actuelles dans les années 1960-1970. Être minimaliste consiste notamment à avoir peu de possessions, et à diminuer ses besoins. Un mode de vie comme celui-ci présente de nombreux avantages mais dérive dans des extrêmes chez beaucoup d’individus. Le document suivant est une analyse tout à fait personnelle de ce mouvement.
1 – Avant-Propos
Avant toute chose, il est possible que vous ayez entendu parler du minimalisme à propos de meubles ou de peinture intérieure, cela n’a rien à voir.
Le minimalisme esthétique est un mouvement artistique qui mise sur des lignes et des couleurs plus épurés, il est très utilisé dans les intérieurs actuels mais n’est pas directement lié à la simplicité volontaire dont je m’apprête à parler.
Il existe en effet une esthétique minimaliste notamment vestimentaire que l’on retrouve chez beaucoup de têtes d’affiches de la simplicité volontaire, mais ayez bien à l’esprit que ce n’est pas du tout le cœur du sujet.
2 – Pourquoi être minimaliste
a) Philosophie – possibilité
La grande majorité des systèmes de pensée élaborés prônent le détachement des biens matériels, on y préfère s’enrichir intellectuellement ou humainement. En vérité, accumuler des richesses est un réflexe assez primitif. L’humain a peur de manquer et va donc acheter de plus en plus d’objets plus ou moins utiles, pour combler cette envie d’avoir plus.
De mon point de vue, c’est Epicure qui est le plus parlant sur ce sujet. Sa philosophie repose sur la hiérarchisation des besoins, sur la modération et la simplicité. Pour Epicure, celui qui ne sait pas se contenter de peu ne sera jamais content de rien. Il est donc possible de n’avoir que peu de choses, puisque l’humain s’habitue à son niveau de confort. Si vous apprenez à vivre confortablement dans une petite surface et avec des choses simples, alors vous ne pourrez qu’être ravi des petits plaisirs de la vie. Au contraire une vie luxueuse deviendra pour vous très vite la norme et vous serez probablement mal à l’aise partout en dehors de cet environnement luxueux. Epicure prend l’exemple des repas. Si vous mangez tous les jours des plats peu élaborés mais suffisants, un repas de fête vous remplira de plaisir. Au contraire, si vos repas de tous les jours sont des repas de fêtes, vous vous y habituerez et ne serez plus en mesure de savourer un plat particulièrement bon.
Ce philosophe explique aussi qu’un vie modérée est préférable, et il reprend pour ce faire l’exemple du repas. Si vous ne mangez pas assez, vous mourez. Si vous mangez trop, vous avez mal au ventre, vous devenez obèse, vous mourez. Il faut donc être modéré pour vivre et vivre bien.
Des siècles plus tard, la science va confirmer les pensées des philosophes avec des études portant sur le bonheur. On parle alors de l’adaptation hédonique, phénomène qui fait que l’on est toujours à un niveau de bonheur à peu près constant, même dans des situations très pénibles à priori.
Tout ça est expliqué dans cette vidéo de Cyrus North:
Il est donc tout à fait possible de vivre heureux en se contentant de peu, et c’est même plutôt conseillé par la philosophie.
b) Consommation – intérêt
Pour autant, notre environnement a beaucoup changé depuis la Grèce antique, et d’autres arguments semblent aujourd’hui plus concrets.
Comme je l’ai dis en introduction, le minimalisme, c’est notamment réduire sa consommation de consommables inutiles ou même son nombre de possessions. Ceci à deux effets directs et quantifiables. Le premier est que vous devenez beaucoup plus riche, puisque l’argent non-dépensé est de l’argent gagné, et la somme de ces petites économies génère une réelle hausse de vos revenus, qui plus tard vous permettrons de faire des achats beaucoup plus conséquents et importants.
Voici un exemple simple, vous avez déjà un porte-clés, en fait, votre trousseau en compte même deux, mais celui qui se trouve en face de vous est super sympa non? Si vous l’achetez, vous aurez soit trois porte-clés, soit un objet sans valeur dans un de vos tiroirs. Si vous ne l’achetez pas, vous gardez 2€ sur votre compte. Si vous ajoutez à cette somme le prix de cet outil de musculation qui à l’air pas mal, mais que vous n’utiliserez que 2 fois, celui de l’iPhone 12 alors que vous avez le 11, ou de tout autre objet pas vraiment utile que vous êtes susceptibles d’acheter, vous obtenez en 10 ans peut être de quoi acheter un terrain, une maison, ou autre bien de grande valeur.
Être minimaliste c’est choisir la maison plutôt que le porte clé, et c’est en fait sur ce point être raisonnable.
Réduire ses besoins et donc ses consommations, c’est aussi réduire son impact environnemental de façons drastique. Pour reprendre l’exemple du smartphone, les Français changent de téléphone tous les deux ans en moyenne (un peu moins en fait). Pourtant, la durée de vie d’une batterie est d’au moins trois ans, et c’est souvent le composant le plus faible.
Les raisons qui poussent les gens à changer ne sont pas le manque de performances d’un appareil, mais bien que d’autres plus puissants existent, et soient visuellement différenciables. Dans ce cas là, le minimaliste va essayer de conserver son téléphone le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’il soit réellement défectueux. Un comportement de ce genre appliqué à tous les objets permet d’être plus responsable au niveau écologique.
La simplicité volontaire est donc un comportement bénéfique à celui qui l’utilise, mais aussi à l’ensemble de la société.
c) Méta
Beaucoup de minimalistes parlent des avantages spirituels du minimalisme, notamment les religieux, mais pas que. Beaucoup déclarent des choses comme: « désencombrer sa maison c’est désencombrer son esprit », mais comme je ne suis pas vraiment sensible à ce genre de choses, je vous laisserai approfondir ce sujet vous-mêmes.
3 – Exemples
a) Vêtements
L’industrie de la mode est assez symbolique de nos excès de consommation. Beaucoup d’entre nous achètent des vêtements et ne les mettent qu’une dizaine de fois, voir beaucoup moins. Les vêtements sont bien sûr tout à fait utiles, mais c’est leur abondance qui ne l’est pas, et il est très facile pour un minimaliste de réduire sa garde robe sans pour autant manquer de vêtements. Voici comme exemple marquant Rob Greenfield, un américain assez connu dans les milieux minimalistes, qui pose devant l’ensemble de ses vêtements (et a mis son t-shirt à l’envers).
Vous le voyez, Greenfield ne fait pas les choses à moitié, et possède le strict minimum de vêtements qui lui sont nécessaires pour sa vie en Floride. Sans forcément en arriver à de tels extrêmes, vous avez forcément chez vous des tas d’habits qui ne vous servent plus.
Voyons ensemble la démarche de simplification que vous pouvez suivre pour vous débarrasser des choses qui sont inutile et dont vous n’avez même pas conscience. Ouvrez un tiroir, placard ou autre meuble de rangement. Concentrez vous d’abord sur une partie des objets que ce meuble contient, et regardez si vous avez besoin de cet objet. Si oui, alors reposez le, mais faites attention à bien placer votre curseur de ce qui est utile et de ce qui ne l’est pas. Il s’agit ici d’être honnête avec vous même, vous ne pouvez pas considérer un t-shirt que vous n’avez pas mis depuis 2 ans comme utile. Ensuite, si vous n’avez pas besoin de cet objet, demandez vous si il apporte de la valeur à votre vie. Cela peut être le cas d’un tableau, d’un équipement de sport ou de beaucoup d’autres choses. Mais là encore il faut être honnête avec vous même, et ne pas considérer n’importe quel objet comme un souvenir. Si vous avez répondu non aux deux question, vendez, donnez ou jeter l’objet en question.
Si vous faites cela, votre vie n’en sera pas bouleversée, mais vous aurez plus d’espace, moins d’attrape-poussières et plus que des objets réellement importants pour vous, qui ne seront plus dilués dans une masse de produits sans valeur réelle. Avec les vêtements comme avec le reste, il faut se satisfaire du nécessaire, un peu d’eau fraîche et de verdure, que nous prodigue la nature.
b) Maisons
Le minimalisme s’applique aussi aux biens de grande valeur que sont les maisons. De ce fait, on assiste depuis plusieurs années au développement des Tiny Houses.
Ces mini-maisons sont souvent des habitations pour deux personnes, parfois sur roues et qui sont construites pour être les plus petites possibles. Leurs avantages sont leur coût très faible, mais aussi souvent la possibilité de les déplacées.
Un général, ces maisons sont faites de beaux matériaux et les intérieurs sont très travaillés, avec du mobilier optimisé et donc très minimaliste.
Ces maisons vous montrent que même un minimalisme assez poussé peut être esthétique, pratique, et que donc être minimaliste n’est pas être ermite ou vivre dans le passé, contrairement à ce que peuvent dire certains.
4 – Les limites
Vous l’aurez compris, le minimalisme est un mode de vie fondamentalement positif, mais comme dans un peu près tous les domaines, on peut trouver des extrémistes. C’est d’ailleurs le cas de Rob Greenfield, qui en à conscience mais qui le justifie en expliquant qu’il montre que l’extrême est possible pour que les gens soient attirés vers des comportements similaires mais plus modérés. Pour autant, on trouve sur YouTube beaucoup de gens assez extrêmes qui font pas mal de prosélytisme autour de leur mode de vie. Je pense qu’il faut modérer le minimalisme, et je vais maintenant vous expliquer pourquoi.
a) Social
Les codes, coutumes ou habitudes de classe ont tendance à faire évoluer les gens dans le même sens, souvent à l’excès. Être dépendant des codes et y coller, c’est avant tout manquer d’originalité, mais c’est surtout renoncer à sa liberté et abandonner l’idée de prendre toujours les bonnes décisions puisque le jugement de la masse est souvent mauvais.
Maintenant, imaginons quelqu’un qui à décidé de ne s’attacher à aucun code, il en existe, et c’est le cas des minimalistes de l’extrême. La chose la moins grave, est qu’il perd l’esthétisme.
Cette originalité excessive et choisie peut aussi poser problème pour trouver un travail, une compagne, des amis. Les trois étant selon moi souhaitables.
Le principal problème est que ce mode de vie est qu’il deviendra probablement repoussant pour les autres. Il sera le fou du coin ou autre chose du même genre, alors, il n’inspirera pratiquement personne, et ses bonnes idées seront de suite mises dans le même paquet. Ce qui desservira la cause de cet extrémiste.
Je pense que c’est la situation dans laquelle se trouve Alexandre Leroux, un Youtubeur qui parle de son mode de vie sur sa chaine. Je ne vais pas être très élogieux à propos de son mode de vie mais évidement, il décide seul de ce qu’il fait et à l’air plutôt heureux. Ceci n’est donc pas une attaque mais une critique.
Tout d’abord, Leroux est une représentation caricaturale d’un écologiste. Il vit dans une tiny house, à quitté ses différents CDI pour se sentir mieux dans sa peau (même un travail de fermier à mi-temps), n’as pas de frigo,fait du yoga, dis bonjour en joignant les mains et fait des câlins aux arbres quand il est triste.
Premièrement ce genre de profil est pénible car c’est à cause d’eux que les écologistes plus pragmatiques et scientifiques comme moi manquent de crédibilité dans la tête des gens.
Deuxièmement, il donne sur sa chaine une image radicale et assez ermite de ses différentes causes dont le minimalisme fait parti. Il est donc beaucoup trop éloigné des codes pour transmettre son message, et ne touche que des gens déjà très sensibilisés et avec une vision du monde proche de la sienne.
Imaginez maintenant quelqu’un qui vivrait dans une petite maison, construite tel que décrite dans mon document sur les maisons autonomes, avec un travail, des vêtements peu nombreux mais normaux. Bref, quelqu’un de modéré. A première vue, les gens le ne qualifieront pas de hippie, de fou ou juste de mec bizarre. C’est par la suite que son entourage découvrira la différence de son mode de vie et la supériorité de ce dernier. Cette personne fera envie, et aura une réelle influence sur le monde qui l’entoure, en plus d’être correctement intégrée à la société. Meilleur plutôt que juste bizarre.
b) Nécessité
On l’as vu au début de cet article; le curseur de la nécessité est ajustable, il faut donc pour exploiter au mieux la simplicité volontaire il ne faut pas considérer comme nécessaire (et donc garder) des choses qui ne le sont pas comme par exemple un appareil à gaufres si vous n’en faite qu’une fois par an.
En revanche, il ne faut pas basculer dans l’autre extrême, c’est à dire se débarrasser de toutes choses dont votre vie ne dépend pas directement. Il est tout à fait possible de garder des centaines de livres si vous pensez qu’ils apportent quelque chose à votre maison ou à vous même. Vous avez le droit de considérer comme nécessaire une machine à laver, un lit immense, un vase, une PS5 ou quoi que ce soit qui vous apporte réellement quelque chose.
En fait, si vous comptez vous lancer dans la simplification de votre vie, il faut garder à l’esprit que seul vous même pouvez définir ce qui est nécessaire à votre vie ou non. Et que ce n’est pas parce que Rob Greenfield utilise des plantes comme papier toilette que vous devez le faire aussi, même si ça marche très bien pour lui.
5 – Conclusion
Le minimalisme c’est bien, vraiment.
Réduire son nombre de possessions semble à la fois évident et libérateur. Avoir peu permet d’être mieux organisé et certainement plus productif, en plus de pouvoir voyager sans trop d’attaches.
Pour autant, il faut comme pour tout ne pas plonger dans une admiration sans limites des minimalistes les plus extrêmes, ni se plonger dans un dépouillement presque religieux au nom du minimalisme. Le minimalisme permet de gagner de la liberté en s’affranchissant de la logique consumériste, il est donc bon de ne pas perdre de nouveau cette liberté en suivant scrupuleusement le chemin tracé par un youtubeur minimaliste.
Pour finir, notons que dans minimalisme, il y a minimum, qui est donc un extrême. Il serait donc plus judicieux d’utiliser le terme de simplicité volontaire, à la fois plus modéré et plus adapté pour désigner un comportement et non un courant de pensée.
Document écrit par Pierre Courtois